Institute of Theology

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Conférence sur l’enseignement religieux (21-26 Aout 2000)

L’enseignement chrétien

dans sa dimension oecuménique

Archimandrite Paul Yazigi

Doyen de la Faculté de Théologie St-Jean Damascène à Balamand

 

Introduction

“Car mille ans, à tes yeux, sont comme le jour d'hier quand il est passé”

Cependant, les événements importants et les moments de reconsidération et de re-planification dépendent de jours précis que l’on nomme en général occasions ou fêtes. Et chaque fois qu’il y a besoin de “renouveler” ces événements on doit leur trouver “la fête” convenable.

Aujourd’hui, et après 2000 ans de la naissance du Christ, on peut trouver dans la première année du troisième millénaire la meilleure occasion pour relire le passé à la lumière de la volonté divine et en toute “connaissance” de l’esprit du Christ, dans le but d'une planification du travail missionnaire et d'un meilleur service du monde afin que ce travail et ce service soient en harmonie avec leur siècle comme la bonne nouvelle du Christ était en harmonie avec son siècle.

D'où songer à organiser une conférence sur l’enseignement religieux en tant qu’ “annonciation nouvelle au seuil du troisème millénaire” est une occasion très convenable pour jeter un regard approfondi sur tous les sujets proposés et de les traiter avec le sérieux et le soin attentif qu’ils requièrent.

Le sujet proposé maintenent, à savoir “l’enseignement chrétien dans sa dimension oecuménique” nous incite à renouveler deux choses: la réactivation de notre héritage passé, et le renouvellement de cet héritage en longueur et, si possible, en profondeur, tout en notant à la fois les diverses nouveautés qui lui ont été ajoutées au cours de l’histoire du dialogue ecclésial, les développements historiques et sociaux et le travail pastoral au sein de chaque église, ainsi que la nouvelle vague actuelle, à savoir la mondialisation.

 

Connaître Dieu

Le nouveau testament nous montre qu’il existe trois moyens pour connaître Dieu: La conscience avant et hors la tradition abrahamique, la loi pendant l’ancien testament et parmi les descendants d’Abraham, et la grâce après l’incarnation. L’apôtre Paul nous parle expressément de ceux qui n’ont pas de loi, qui accomplissent les actes de la loi selon la loi de leur conscience. Chez lui le conflit entre l’âge de la loi “conductrice” et l’âge de la grâce, ou le temps des “fils”, s'avère très clair.

Le Christ avait vu dans la femme courbée Une fille d’Abraham; et dans un temps très spécial et critique il n’a pas évité de tenir une conversation avec la samaritaine et même de répondre à la demande de la femme Canaanite. La tradition chrétienne connaît “le verbe semé”. Les religions, selon leurs expressions, sont toutes comme des fils que Dieu tient en sa main et par lesquels il tire les hommes vers lui.

Le succès du christianisme consiste en ce qu’il est la route la plus claire, la plus courte et la plus sûre. Et ceci nous met devant une grande responsabilité et ne nous confère aucune attitude d’arrogance. Face à la plénitude des temps et à l’accomplissement de la révélation divine dans l’incarnation de Jésus-Christ (Celui qui m’a vu a vu le Père) il y a la parole de l’apôtre: “malheur à moi si ne je n'évangélise pas”.

Avant le Christ il y avait deux précurseurs: Saint Jean Baptiste, ou l’ange qui lui a préparé le chemin parmi les juifs; et les philosophes aussi (selon les Pères de l’Eglise) qui lui ont préparé le chemin parmi les nations. De ce point de vue, la soif humaine pour la vérité est un don divin pour l’homme planté dans l’image de Dieu et créé selon elle.

Le dépassement de la conscience reste facile, et la crainte que la lettre tue l’esprit dans la loi reste possible. Aussi l’âge de la grâce n’avait-il pas échappé à l’influence des tendances humaines dans l’interprétation de la révélation divine que les hommes ont reçu. Un bref regard sur notre monde nous montre que le facteur humain avait nuit parfois - par ignorance ou par faiblesse - à cette révélation qui reste toujours, et d'une certaine façon, une découverte humaine. La révélation humaine n’est pas une obligation ou une condescendance divine mais une élévation humaine qui requiert la pureté de vie et l’illumination de l’esprit. La vrai connaissance de Dieu c’est de vivre avec lui jusqu’à l’union, et ceux qui peuvent parler de Dieu ne sont autres que ses amis les plus proches.

L’ultime révélation divine, la vérité absolue, est en fin de compte, Jésus-Christ auquel l’ancien testament avait présenté le verbe disséminé et préparé le chemin. L’Esprit Saint continue sa révélation et la constitution de son coprs sacramentel : l’Eglise.

Pour cela, la connaissance de Dieu est liée essentiellement aux sacrements ecclésiaux (c.à.d. la vie au sein de l’Eglise). La connaissance de Dieu possède toujours ce caractère de proximité avec lui et non le caractère d’être assumé par lui. Donc, il n’y a pas de vérités, mais plutôt il existe une seule Verité qui est le Seigneur Jésus. Mais l’homme a inventé de diverses approches et a eu recours à plusieurs moyens pour le connaître. De là l’apparition du terme “orthodoxie” dans le christianisme, au vrai sens du terme, non dans le sens confessionnel. La catholicité n’est pas un sujet géographique ou démographique; elle n’est pas non plus un sujet politique. La catholicité signifie la plénitude de la vérité, c’est-à-dire le contraire de l’hérésie qui signifie omettre une part de la vérité. La catholicité signifie précisément l’Orthodoxie.

Les principes de l’enseignement chrétien oecuménique

1- Etre catholique - orthodoxe, c’est-à-dire refléter l’image du Christ de manière complète et indivise.

2- Admettre que les formules de la foi (les doctrines) et ses limites ne sont pas révélées et q’elles ne viennent pas, pour la plupart, de la sainte bible mais qu’elles sont le fruit de la pensée humaine et de ses essais assidus visant à exprimer le secret de l’économie divine comme elle se révèle à travers la sainte bible. Cet essai a vécu dans notre histoire où les civilisations, la politique et les conditions humaines ont joué un rôle très important. Pour cela, ce processus de cristallisation était et demeure très critique. En effet, les doctrines essaient d'approcher la foi et la doctrine est enseignée dans le cadre de la matière "histoire des doctrines". Cela nous rend responsables de l'émergence des formules différentes et nous pousse à accepter le dialogue oecuménique; l'important c'est que la doctrine (ou formule) ne nuise pas à la foi et, par conséquent, au salut puisqu'elle est directement liée à la vie.

3- Tenir compte que la vérité et les formules ne sont pas des propriétés privées; l'orthodoxie et la catholicité (au sens précedemment expliqué) sont des missions et non des propriétés personnelles. D'autre part, nous avons souvent hérité ces formules et nous n'avons que le privilège de les transmettre et par la suite, de dialoguer et de les assumer en toute ouverture.

4- Différencier entre la tradition et les traditions, entre la Vérité et ses expressions, entre la foi et ses formules. La tradition c'est le fait que nous avons reçu l'Esprit Saint pour qu'il oeuvre en nous et pour que nous oeuvrons avec lui. La foi c'est la vie en Christ dans toutes ses dimensions. La tradition et la foi ne changent pas mais les traditions et les formules sont sujettes à tous les facteurs relatifs à l'histoire de la pensée humaine, et elles ont droit à la diversité; parfois même, il faut qu'elles changent. La prière est certes une prière mais le type de sa mélodie reste un choix libre. Nous devons donc accepter la diversité des images d'une seule vérité. Ce fait était présent dès le début du christianisme: les évangiles n'en sont-ils pas des exemples vivants? Ils sont différents l'un de l'autre mais reflètent tous l'unique Vérité. L'assemblement des évangiles donne au croyant une image plus claire du mystère révélé et manifesté à travers l'incarnation de Jésus-Christ.

5- Lire l'autre non selon notre point de vue et nos traditions mais à partir de son point de vue et ses traditions. Lire l'autre comme il le veut et non tel que nous l'imaginons. C'est-à-dire, il faut permettre à l'ade s'exprimer devant nous et non de l'évaluer selon nos préjugés positifs ou négatifs. Le dialogue actuel entre les églises orthodoxes orientales et l'église orthodoxe a bien révélé une situation semblable.

6- Nous ne pouvons pas parler d'un dialogue et d'un enseignement oecuméniques lorsque nous montrons juste les moindres conditions du respect et pratiquons le prosélytisme -- avec tout le malaise que l'on éprouve en entendant ce mot. L'histoire de notre église au Moyen - Orient a connu et connaît toujours de sérieux conflits à cause de cette activité haineuse. L'arrêt du prosélytisme est donc un geste qui témoigne de la sincérité de l'enseignement oecuménique; il en est même la condition pré-requise.

7- Il faut souligner, dans notre réalité chrétienne au Moyen-Orient, la plupart de nos concepts de foi communs tout en respectant les causes de divergence qui ne sont pas toujours doctrinales mais historiques ou autres.

8- Prendre compte des différences et assumer la réalité en la considérant comme le moyen le plus honnête pour améliorer notre situation. Nous devons parler de ces différences et voir comment chaque parti les comprend, en entendant ses points de vue quant à leur interprétation. Nous devons aussi poursuivre et transmettre les toutes dernières actualités du dialogue ecclésial sur tous les niveaux, et déterminer quelles sont les difficultés restantes et les moyens de les résoudre.

9- Lier la doctrine à notre vie et actualiser cette doctrine en montrant l'effet des différences -où elle se trouvent - sur le processus du salut et la vie en Christ. L'enseignement oecuménique doit éviter les discussions stériles. En fait, il ne s'agit pas ici d'une débat philosophique mais d'un dialogue de vie. Pour cela l'enseignement chrétien doit aborder les questions de vie contemporaine et traiter les défis du temps présent en se basant sur la foi et sur les différents points de vue qui y sont relatifs. En fait, il nous est très évident aujourd'hui que les positions des différentes églises quant aux questions vitales les plus importantes et les plus sacrées telle la guerre, le mariage, l'organisation de la famille, et la douleur … ne sont pas identiques ni unifiées. Et tout cela jaillit de la différence des arrière-plans de l'enseignement et de l'interprétation de l'esprit du Christ par des concepts et idées divergentes. L'étude des divergences ou des convergences doctrinales en prenant compte de l'actualité et de la spécificité de chaque époque sépare la doctrine de la vie et de l'enseignement, et de là, adresse les pensées de l'homme et ne touche pas sa particularité personnelle.

10- Insister sur la réalité de l'Evangile en tant que bonne nouvelle salvatrice et non comme enseignement moral, ou comme récits sur la vie du Christ, qui acceptent des méthodes d'interprétation diversifiées ou divergentes. L'Evangile est la bonne nouvelle qui annonce la mort du Seigneur et sa résurrection afin que nous mourrions et ressuscitions avec lui. Telle est la seule et unique bonne nouvelle qui ne cesse de se renouveler et que l'enseignement chrétien oecuménique doit porter et appeler tout le monde à assumer. L'enseignement chrétien doit transformer l'homme de "chrétien indifférent", bien qu'argumentatif,, en "ambassadeur" du Christ auprès du monde.

Lorsque le caractère didactique et exégétique devient notre intérêt primordial, les argumentations et les désaccords abondent, et ceci est le fruit d'un point de départ erronné. Mais lorsque l'enseignement religieux s'avère être un appel pour "accomplir les souffrances du Christ dans nos corps" , les points de vues divergents convergent et ceci est le fuit d'un point de départ plus authentique et plus correct.

11- Se soucier de réveiller la conscience de la nécessité de l'unité cherétienne et du dialogue interne devant la responsabilité commune qu'est la prédication externe, laquelle doit être assumée par les chrétiens face aux défis posés par l'athéisme contemporain et la mondialisation terrible.

L'athéisme contemporain ne consiste pas à nier Dieu; car cela est l'athéisme passé. L'indifférence est le dieu de l'athéisme contemporain et le néo-épicurisme dans la chrétienté est son cancer: Dieu n'est pas dans son ciel alors que nous sommes dans notre monde. Avouer que Dieu existe sans croire que son existence est notre vie n'est autre que tuer Dieu implicitement.

La mondialisation est une arme tranchante à deux bords qui peut ou bien mondialiser l'église ou christianiser le monde. Les moyens de communication, la fusion des courants différents, et la rapidité de la communication ont lancé le conflit rapide et libre entre les civilisations. Les chrétiens ne peuvent pas, dans ce temps où tout vise à abolir les civilisations, plonger dans leurs conflits internes et oublier leur responsabilité de saler le monde et de hausser la lumière sur le pied de la lampe afin d'illuminer tout.

Souligner la nécessité de l'évangélisation et la priorité des questions humaines dans l'enseignement chrétien, orienter le développement culturel, contrôler les explosions des nouveaux et gigantesques sauts scientifiques en les confinant dans les limites du bien moral bénéfique; contrôler la folie humaine pour la création et la rendre sacrée non destructive, tout cela réduit et minimise les argumentations qui visent à creuser dans le passé pour y trouver des raisons pour la dispute en oubliant l'appel divin incessant à l'historisation de l'avenir humain. Nous n'avons pas besoin aujourd'hui de relire l'histoire mais plutôt d'écrire l'histoire de l'avenir humain et de le planifier. Nos divergences doctrinales sont importante et respectées mais elles sont en même temps une leçon que l'histoire nous donne afin de rédiger l'avenir mondial et chrétien de façon à ce qu'il soit plus proche du souhait de Jésus, ou plutôt de façon à accepter sa mission qui nous est confiée, à savoir: enseigner et baptiser toutes les nations, d'être "dans" ce monde mais pas "de" ce monde, et enfin, d'être un comme lui et le Père sont un, Amen.

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